Biographie
Né le 29 juin 1914 dans le domaine
familial de
Býchory,
à 60km de Kolin,
dans la plaine de l'Elbe, aux
environs de Prague, actuellement République tchèque, le lendemain de
l'attentat de Sarajevo. Mort à Kastanienbaum, près de Lucerne, le 11 août 1996,
Rafael Jeronym Kubelík
était le sixième de huit enfants du couple (une de ses sœurs, Anita, était
violoniste) d'un des plus grands violonistes du début du XX ème
siècle, Jan Kubelík
(1880-1940)
et de la comtesse hongroise Csaky-Szell,
et petit-fils d'un musicien amateur. Il devint une figure marquante de la direction d'orchestre de
la deuxième moitié du XXè siècle, tout en restant finalement un artiste
dont la renommée n'a pas été de son vivant à la hauteur de son art.
Ma "passion" pour ce chef date de son intégrale Mahler chez
DG ; elle est restée intacte grâce au disque, aussi bien en studio qu'en enregistrements de concerts, notamment la masse de ceux réédités ces
dernières années chez Orfeo, Mercury, Audite et d'autres plus ou moins
pirates : Artist, Originals... qui trouvent
enfin les faveurs de la critique.
Enfance
R. Kubelík a poursuivi des études de piano, violon et composition au
Conservatoire de Prague. Il fut un enfant précoce : son père
déclarait en 1926 : "mon jeune fils est le plus talentueux. Il
pourrait faire de grandes choses. Il a onze ans, joue brillamment du piano
et du violon, lit les partitions à vue et connaît bien l'orchestre. Il y
a peu de temps, il s'est penché sur mon travail concernant une
orchestration et me demanda d'ajouter un cor à un certain passage : il
avait raison !"
MERCI DE NOTER QUE LA
PARTIE SUIVANTE N'A PAS ÉTÉ REVUE PAR LA FAMILLE DE RAFAEL Kubelík ET
PEUT AINSI COMPORTER DES ERREURS - Une nouvelle version provisoire peut
être consultée en anglais
Adolescent, il
put ainsi au cours d'un même concert interpréter une
fantaisie pour violon de sa composition, et diriger une ouverture de
Dvořák. Il entra au Conservatoire de Prague à 14 ans et obtint ses
diplômes en direction d'orchestre, composition et violon (avec le
Concerto en ré majeur de Paganini). Il y eu comme professeurs
Otakar Sin (composition), Pavlak Dedecek (direction) et Jindrich F. Feld
(violon). Après son concert de fin d'étude du 23 juin 1933, où il joua
un concerto de Paganini et sa Fantasie, Il fit ses débuts
à la tête de la
Philharmonie tchèque à à peine 20 ans, le 24 janvier 1934. Au programme,
entre autres : sa Fantaisie op. 2 qui lui avait valu son diplôme de composition -
jouée en soliste par son père - et la 4è de Tchaïkovski. Il accompagna
son père en tournée en 1935/1936, au piano, aux États-Unis
pendant l'année 1935 et en
Italie. Il joua d'ailleurs un concerto pour violon de Mozart avec la
Philharmonie tchèque. En 1937, son maître, Vaclav Talich, souffrant,
l'envoya en tournée e
n Angleterre
(2), Écosse et Belgique à la tête de la
Philharmonie tchèque pour une tournée prestigieuse de vingt concerts,
tournée répétée l'année suivante. Il restera donc directeur musical
de l'orchestre philharmonique tchèque de
1936 à 1948.
Le 15 août 1939, il
était chef au Théâtre National de Brno et se retira à sa fermeture par
les Allemands en 1941(2?) - il y joua notamment La Fiancée vendue, Dalibor
et Le Baiser de Smetana, Le Jacobin et Rusalka de Dvořák, La Flûte, Jenufa et Les Troyens.
Dans tous les opéras du monde, il donnera des opéras méconnus dans la
langue du pays. En 1941, il succéda à Vaclav Talich à la tête de la Philharmonie tchèque.
Il refusera toujours de collaborer avec les Nazis. Il se mariera en 1942 avec la
violoniste
Ludmila
Bartlova (concerto de Dvořák en 55 par exemple). Il lutta pour maintenir l'orchestre
philharmonique tchèque pendant la guerre, défendant la musique tchèque
dans ses programmes. Il contribua à la nationalisation de l'orchestre
philharmonique tchèque (le 22/10/45) ainsi qu'à la transformation du Mai musical de
Prague, fondé par Talich en Festival international de musique du printemps de Prague
("Printemps de Prague" en mai) en
1946, lors du 50è anniversaire de l'orchestre philharmonique tchèque.
On le vit diriger les œuvres du répertoire tchèque, notamment les Danses
Slaves pour les ouvriers
des usines. Il dirigea pour la dernière fois Ma Patrie le 5 juillet pour
le rassemblement national des Sokol. On notera son soutien à des compositeurs
tchèques contemporains, tels Vitezslava
Kapralova . Avant l'exil, il dirigera notamment l'orchestre avec
l'oratorio Sainte Ludmila d'Antonin Dvořák en mai 1948.
Galères Il quitta son pays
le 17 juillet 1948 pour fuir le régime communiste instauré par un coup d'état en
février de la même année - à l'occasion d'un voyage en Angleterre pour diriger Don Giovanni
au festival d'Edimbourg. En Angleterre, il déclina l'offre d'un poste à la
BBC pour aller à Chicago *.
Il débuta une "carrière" de chef
itinérant, par exemple au Concertgebouw
d'Amsterdam aux côtés de Edouard
von Beinum, (excellent artisan mais dont les interprétations, très
métronomiques, ne sauraient égaler celles de RK) - cf. 5ème de
Mahler de 1951. Il fit une tournée remarquée avec cet orchestre aux
États-Unis. (Il ne retrouvera sa patrie qu'en 1990 pour le plus grand événement
tchèque, musical et émotionnel, depuis la guerre : sa direction de Ma
Vlast le 12 mai 1990 à la tête de la Philharmonie tchèque). Il fut alors
nommé chef honoraire de l'orchestre philharmonique tchèque, docteur
honoris causa de l'université Charles et citoyen d'honneur de la ville de
Prague ; il donna également quelques concerts au Japon)
Il dirigea le 9 juin un autre concert, en plein air sur la place Saint
Venceslas, qui réunit les musiciens de Prague, Slovaquie et de
Brno, réminiscence d'un même concert du 29 juin 1945. ("Un
oiseau ne chante pas dans une cage. J'ai quitté ma patrie pour ne pas
avoir à quitter mon peuple. Je crois qu'on ne doit pas ligoter l'esprit
par la politique"). Il dirigea une dernière fois
l'orchestre le 11 octobre 1991 (Mozart et Nouveau Monde de Dvořák), au
profit de la fondation Olga Havlova. Une
chose était de diriger dans son pays sous l'emprise hitlérienne, mais cela
lui paraissait encore pire que son pays lui-même soit devenu un pays
totalitaire : "Je suis un anti-communiste et un anti-fasciste. Je ne
crois pas que la liberté artistique puisse coexister avec un régime
totalitaire. Les individus ne peuvent rien faire dans les pays soumis à
un rideau de fer, et bien naïf est celui qui pense qu'ils le peuvent, ou
qu'ils peuvent changer quoi que soit par leurs seuls mérites". Il réalisa un certain
nombre d'enregistrements à Londres sous la houlette de Walter Legge. Il était
demandé par les jeunes instrumentistes du Philharmonia qui le considéraient
comme le meilleur jeune chef à côté de Karajan et la BBC l'aurai bien
vu succéder à Sir Adrian Boult. Après le
succès de trois semaines de concerts par souscription, au grand dam de W.
Walton qui déclara qu'il était fâcheux de voir partir celui qui aurait
pu être pour ce pays "at least one decent conductor", il sera trois ans durant (17/11/1949 -1953) chef du Chicago Symphony Orchestra
(36 ans à sa nomination), jouant 70 œuvres nouvelles pour l'orchestre en 3 saisons et enregistrant
le 1er disque haute fidélité aux US, puis
fut mis sur la touche, notamment pour ses programmes trop modernes ou son
ouverture envers les musiciens noirs, par une
certaine Claudia Cassidy. Il retournera de nombreuses fois à
Chicago, sa dernière apparition se situant le 18 octobre
1991, avec
l'ouverture Hussite de Dvořák pour le concert final des manifestations du
centenaire de l'orchestre, qui était une re-création du concert
inaugural du 16 octobre 1891.
Il sera en charge de deux saisons à Covent Garden (1955
-1958 : premières des Troyens, de Jenfa, Othello, Maîtres
chanteurs) ,;
après le succès remporté par Katia Kabanova au Sadler's Wells en
1954).
Sa carrière londonienne n'aura pas été facilitée non plus par le fils du
créateur des pilules Beecham... Cf.
extrait du livre de Norman Lebrecht "Maestro" où l'auteur
règle son compte à Beecham. André Tubeuf (Diapason
n°430 - Passionnant article - réhabilitant - à l'occasion du décès de
RK) rapporte que son premier acte fut de renvoyer Tito Gobbi, en retard
aux répétitions, alors que les autres artistes répétaient Othello
depuis 10 jours... Ses nombreux engagements lui firent quitter Covent
garden. Après EMI, (cf. note d'Alan
Sanders sur l'histoire de Kubelík chez EMI, écrite pour Testament) Kubelík enregistre alors avec Vienne pour Decca (1er enregistrement
: les Danses Slaves en 1954).
Il dirigea dès 1957 la Philharmonie de Berlin et travaillera notamment
avec l'orchestre philharmonique de Vienne donc, celui d'Israël et le
Boston Symphony..
Accomplissement
Il dirigea son premier concert avec l'orchestre de la
Radiodiffusion bavaroise le 12 février 1960, dans un programme comprenant
la Sinfonia concertante de Martinů, celle de Mozart et la 7è de
Beethoven. En 1961, il sera nommé Directeur de l'Orchestre de la Radiodiffusion
bavaroise, jusqu'à sa démission de ce poste en 1979, même s'il en
restera chef principal jusqu'à sa retraite pour cause d'arthrite en 1985,
jugeant que ses capacités physiques ne lui permettaient plus d'atteindre
ses objectifs artistiques (on se rappelle avoir vu ce colosse
complètement épuisé à la sortie de concerts qu'il donna avec l'Orchestre de Paris à Pleyel).
Il acquiert la nationalité suisse en 1973, collaborant étroitement avec
le Festival de Lucerne. Il se remariera après la mort de sa
première femme, la violoniste
Ludmila Bertlova, avec la soprano australienne
Elsie Morison.
Si sa nomination ne
se fit pas sans quelques remous (un Tchèque à Munich ! - rappelons qu'en
mars 1904, un concert de son père fut chahuté par des germanophones à
Linz sous le prétexte qu'il était tchèque), l'entente fut
immédiate entre le chef et l'orchestre. Il
donna à Munich les programmes musicaux sans doute les plus exigeants, variés et
intelligents de l'époque. Son répertoire allait de Palestrina au XXè
siècle, les oratorios de Bach à Britten, les opéras en concert de
Haendel à Janáček, les symphonies de Haydn à Hartmann et Henze. (On
mentionnera un bref passage au Metropolitan Opera puisqu'il devient, à partir d'août
1973 - à la demande du "general manager-designate" Goran
Gentele en 1971 - le premier Directeur musical de l'établissement. La
mort de Gentele en 1972 le fera se retirer
après une mémorable version des Troyens).
On peut
entendre sa voix claire et chantante sur le site
de l'orchestre de la Radio bavaroise, lors d'une répétition de la
1ère de Beethoven en 1966. De
nombreux cycles furent proposés durant ces saisons bavaroises : en 66/67
les symphonies de Beethoven par ordre chronologique, en 67/68, des
concerts de musique religieuse de Palestrina à Stravinsky, en 68/69, la
KonzertMusik d'Hindemith et les suites de Bach, en 69/70, les œuvres concertantes de Mozart, série s'achevant avec le Requiem, en
70/71, chaque concert présentait une symphonie de Haydn, en 71/72 chaque
concert était consacré à un compositeur unique, la saison 72/73 était
uniquement consacrée à des œuvres du XXème siècle, celle de 73/74 à
des poèmes symphoniques. Il acquiert la nationalité suisse en 1967 et
collaborera longuement avec le Festival de Lucerne. On trouvera ainsi dans les
programmes le War requiem de Britten, Les Béatitudes
de Franck,
Manfred de Schuman, De la maison des morts de Janáček, Jeanne
d'Arc au bûcher d'Honegger, ainsi que Pelléas de Debussy, Les
Gurrelieder de Schoenberg, Oedipus
Rex de Stravinsky, Xerxès de Haendel, Iphigénie en Tauride
de Gluck, Les Maîtres chanteurs, Lohengrin et Parsifal
de Wagner, Oberon de Weber, Dalibor de Smetana, Palestrina
de Pfitzner, Mathis der Maler d'Hindemith, Prometheus et Œdipe le
Tyran d'Orff, Die Lustige Weiber von Windsor de Nicolaï. Il
créera au cours de sa carrière la Field Mass (1946), Les
Fresques (1956) et la 5ème symphonie (1947) de son compatriote
Martinů, les Six monologues de Jedermann de F. Martin (1949), l'Échelle
de Jacob de Schoenberg (1961), la 8ème symphonie (1963)
et les Hymnes symphoniques (1975) de K. A. Hartmann. Prix de
musique Mme-Léonie-Sonning (Danemark) en 1984, deux ans avant Pierre
Boulez (ainsi que la médaille d'or de The Royal Philharmonic Society en
1995, 2 ans avant Pierre Boulez, 93 ans après son père), il fut
titulaire de l'Ordre de l'Empire britannique, remis par la reine
d'Angleterre Elisabeth II, peu avant sa mort; citons enfin la médaille
d'or Gustav Mahler en 1960.
Ses compositions comprennent notamment cinq opéras
(Veronika, 19/4/47 - Brno, Tagensanbruch, 1958, Cornelia Faroni,
1972, Ausbourg), Daybreak, ovy nové šaty (The Emperor's
New Clothes) tinky malé Idy (The Flowers of Little Ida),
trois symphonies
(Séquences 1981, Orphikon),
3 requiem (Requiem Pro Memoria
Uxoris - 1962), plusieurs cantates (Pro Memoria Patris, 1941, Libera
nos, 1963), deux messes (1955 et 1957) dont une a capella, une fantaisie pour violon et
orchestre (1932/1933), deux concertos pour violon (1932/33 et 1951), un
concerto pour flûte et orchestre de chambre (1943), un concerto pour
violoncelle (1944), un concerto pour piano (1950), six quatuors à cordes (cf.
2nd) (n°6 : 1991), Quattro forme per archi - Vier Stücke für Streicher
(1965) et un trio pour piano (1988, créé en 1989 à Cologne par l'Altenberg
Trio), de
la musique de chambre (sonate pour piano et violon, 1931/1932), des mélodies, ainsi qu’une
Symphonic
Peripeteia pour orgue et orchestre, une sonatine pour piano (1957). Il donna de nombreux concerts à
Paris, notamment le début mémorable d'une intégrale Mahler au début des années 80
avec l'Orchestre de Paris ; nous essayâmes de l'approcher à cette
occasion, mais sans succès. Il
fut un chef d'une rare autocritique : "il n'y a pas eu dans ma vie un
concert dont j'ai pu dire que tout s'était déroulé selon mes
espérances... et j'ai dirigé des milliers de concerts !" (cité par
C. Huss dans Répertoire n°94 - Interview par
le même de Claus Peter Flor). C'était
enfin un chef très collégial : nombreuses sont les rencontres et
amitiés qu'il a pu nouer avec ses collègues, même ave ceux restés en
Tchékoslovaquie, tel Vaclav Neumann qui dirigea en 20/10/1994 un concert
avec la philharmonie tchèque pour son 80è anniversaire (Concerto violon
n°4 de Jan Kubelík - soliste Miroslav Vilimec - et Hakon Jarl. Il prendra sa retraite de
chef vers 1985, pour des problèmes de santé - il était perclus
d'arthrite et dut interrompre une exécution de la 9ème de Bruckner,
durant laquelle il s'évanouit ("Emmenez-moi, je veux mourir hors
d'ici ", supplia-t-il - rapporté par Norman Lebrecht). Il alla souvent
séjourner en Californie
("La Quinta") pour raisons de santé. Mis à part son "printemps
indien" de 1990, il n'apparut plus en public que pour assister à des
créations de ses œuvres (il sera à Prague pour ses 80 ans, à l'occasion
desquels Vaclav Neumann dirigea le Concerto pour violon n° 4 en si majeur
de Jan Kubelík - avec Miroslav Vilimec au violon). Décédé le 11/8/1996, il est enterré au
cimetière de VyŠehrad le 18 septembre 1996, en compagnie de Dvořák, Mucha et Smetana et de
son père...
Vaclav Havel écrivit : "J'admirais Rafael Kubelík au plus haut
point, non seulement pour toute la gloire dont il a auréolé la musique
tchèque, mais également parce qu'il fut un personnage extraordinaire et
un patriote".
Ajoutons qu'il existe un "Kubelík
trio"
© 2000-04/10/2008 - Thierry VAGNE |